Le cas Joseph VERVILLE - Marguerite PROVENCHER

Le cas Joseph VERVILLE - Marguerite PROVENCHER

Introduction

En faisant la généalogie d'une de mes tantes par alliance, je suis tombé sur le mariage d'Exilie VERVILLE et de Rémi AUGER, mariage qui a eu lieu le 21 octobre 1862 à Stanfold (Princeville). Il y est indiqué que les parents d'Exilie sont Joseph VERVILLE et Marguerite PROVENCHER. J'étais loin de me douter alors que j'allais ouvrir une véritable boîte de Pandore...

En effet, en recherchant le mariage de Joseph VERVILLE et de Marguerite PROVENCHER, j'en ai trouvé deux. Deux Joseph VERVILLE différents qui ont marié deux Marguerite PROVENCHER différentes, dans la même paroisse, à huit ans et demi d'intervalle.

La question qui se pose immédiatement est de savoir quels sont les vrais parents d'Exilie. Est-ce le premier couple ou le deuxième ?

La grande majorité des sites de généalogie et des arbres généalogiques trouvés sur internet donnent le premier couple comme parents. D'entrée de jeu j'ai trouvé ça douteux, compte tenu qu'Exilie était mineure à son mariage en 1862, et que la première Marguerite était née en 1796... Oui, il y a des femmes qui peuvent accoucher tard, mais quand même, j'ai trouvé que ça valait la peine d'investiguer. Et bien sûr, mes craintes se sont avérées fondées: les parents d'Exilie étaient bel et bien le deuxième couple...

Ayant les bons parents, j'aurais pu m'arrêter là et continuer mon arbre, mais une autre question, plus globale, est venue me hanter: combien d'enfants, ayant Joseph VERVILLE et Marguerite PROVENCHER comme parents, ont-ils été attribués aux mauvais parents ? Ce que j'allais découvrir est un véritable drame d'horreur généalogique: je n'ai pas trouvé un seul site, un seul travail généalogique qui a réussi à attribuer correctement ces enfants. Les erreurs et les faussetés fusent concernant ces deux couples et leur descendance, et la raison principale est que personne ne s'est donné la peine d'enquêter correctement, c'est-à-dire de recueillir les informations nécessaires pour déterminer quel enfant va avec quel couple. C'est stupéfiant.

On n'a pas le choix d'en arriver à la conclusion que la plupart des gens se contentent de recopier les informations qu'ils trouvent à gauche et à droite sur internet sans se poser la moindre question, sans prendre la peine de vérifier l'exactitude des informations. Ne savent-ils pas qu'une seule fausse filiation peut jeter tout leur arbre par terre et ruiner leur réputation de "généalogiste" ? J'ai l'impression que ce qui intéresse le monde, c'est la quantité, plutôt que la qualité. Ils veulent avoir le plus d'ancêtres possibles, probablement pour impressionner les autres, mais ce faisant, ils laissent entrer le loup dans la bergerie...

Qui étaient ces Joseph et ces Marguerite ?

Couple 1:
Joseph VERVILLE, majeur, fils de François VERVILLE et de Catherine DUMONT
Marguerite PROVENCHER, majeure, fille de feu Louis PROVENCHER et de feu Thérèse BÉLAND
Mariage: 06-02-1821 Bécancour

Couple 2:
Joseph VERVILLE, majeur, fils d'Alexis VERVILLE et de feu Judith HOUDE
Marguerite PROVENCHER, mineure, fille de Joseph PROVENCHER et de Charlotte DESHAIES
Mariage: 11-08-1829 Bécancour

Joseph 1: n 20 b 21-03-1799 Bécancour; d 15 s 18-05-1863 Deschaillons (62 ans dans le registre)
Marguerite 1: n et b 26-04-1796 Bécancour; d 02 s 04-05-1852 Gentilly (56 ans dans le registre)

Joseph 2: n 23 b 24-03-1808 Bécancour; d 05 s 08-10-1875 Victoriaville (67 ans dans le registre)
Marguerite 2: n 03 b 04-03-1809 Gentilly; d 05 s 07-01-1892 Montréal (82 ans dans le registre)

Note: Après la mort de sa femme en 1852, Joseph 1 s'est remarié avec Marguerite PARADIS, elle-même une veuve, le 28-11-1854 à Deschaillons. Je ne vous raconte pas la confusion que ce second mariage a pu semer chez certains "généalogistes"...

À suivre.

Les enfants

Il y eut en tout 23 personnes ayant eu un Joseph VERVILLE comme père et une Marguerite PROVENCHER comme mère. Seulement deux sont mortes avant l'âge de 20 ans, ce qui est assez remarquable pour l'époque. Un certain nombre d'entre elles ont choisi d'aller vivre et mourir aux États-Unis (5 au Michigan, 1 au Dakota du Nord). Tous ces enfants sont légitimes.

Tableau 1

Reste maintenant à déterminer quel enfant va avec quel couple. Ce travail peut paraître impossible ou gigantesque, mais en réalité il est assez facile à faire lorsqu'on prend la peine de réfléchir un peu et de recueillir les bonnes informations. Afin de clarifier le processus, je propose d'y aller par étapes, où à chaque étape je surlignerai en jaune les enfants reliés au premier couple, et en vert les enfants reliés au deuxième couple.

Puisque tous ces enfants sont légitimes, tous ceux qui sont nés avant la date de mariage du deuxième couple appartiennent au premier couple, c'est-à-dire les enfants 1 à 6.

Tableau 2

Le recensement canadien de 1861 est assez révélateur, car sachant que la première Marguerite est décédée en 1852, celle qui s'y trouve est forcément la deuxième. Sans compter que son âge correspond parfaitement à la date de naissance de la deuxième Marguerite. Et on la voit bien installée à Stanfold en compagnie de son mari et de certains de leurs enfants.

Recensement canadien, 1861, Stanfold


Et du coup, neuf nouveaux enfants se retrouvent liés au deuxième couple.

Tableau 3

Au recensement de 1881 à Montréal, on retrouve Marguerite 2, devenue veuve (puisque Joseph 2 est mort en 1875), en compagnie de trois de ses filles: Élisabeth, Salomée et Éléonore.

Recensement canadien, 1881, Montréal


Ainsi on peut lier Élisabeth au deuxième couple.

Tableau 4

Proximité des naissances et liens avec le Michigan

Ici on remarque que les naissances des enfants 8 et 9 (Joseph et Félix) sont trop proches l'une de l'autre pour qu'elles puissent provenir de la même mère. Puisque Joseph est lié au couple 2, il est logique que Félix soit lié au couple 1, d'autant plus que Félix est décédé au Michigan, tout comme Louis et Émilie, liés au couple 1. De même, Élisabeth, liée au couple 2, est trop proche de David pour être sa soeur, donc on peut lier David au couple 1. Il y a aussi le fait qu'au mariage de David avec Salomé Dubois en 1860, il est mentionné dans le registre que sa mère est décédée. Marguerite 1 est décédée en 1852, l'autre en 1892. Donc David est bel et bien lié au couple 1.

De plus, Julie et Moïse sont eux aussi décédés au Michigan, ce qui porte à croire qu'ils sont liés aux trois autres (Louis, Émilie et Félix), donc liés au couple 1. Et puisque Adolphe est décédé à 18 ans à Stanfold, l'endroit même où sept des enfants liés au couple 2 sont nés (contre aucun pour le couple 1), Adolphe appartient au couple 2, et comme Adolphe et Julie ne peuvent être frère et soeur à cause de la proximité des naissances, ça corrobore le fait que Julie soit liée au couple 1.

Quant à Éléonore, déjà liée au couple 2, sa naissance est à moins de trois mois de celle d'Alexis, donc ce dernier est forcément lié au couple 1. Et comme il est lui aussi décédé aux États-Unis, tout correspond (on retrouve Alexis et sa famille au Michigan au recensement américain de 1880).

Tableau 5

Ne reste plus que l'enfant no 7, Marie. Cette dernière a épousé François LALLIER en 1853, à Stanfold. On sait déjà que Stanfold est fortement lié au couple 2 (sept enfants y sont nés et au moins deux y sont morts) mais ce qui pose le dernier clou dans le cercueil est un petit détail qui m'avait échappé au début. En 1853, Marguerite 1 est déjà décédée, alors que dans l'acte de mariage la mère de la mariée est toujours bien vivante, et domiciliée à Stanfold (à partir de 1840 tous les enfants de Marguerite 2 sont nés à Stanfold et elle s'y trouvait encore au recensement de 1861). Donc Marie est indéniablement liée au couple 2.

Tableau 6


Et voilà le travail. Vous voyez, ce n'était pas bien sorcier...